Impôts
Est-ce une bonne idée d’acquérir sa résidence secondaire avant la principale?
Ils ont certes un peu baissé. Mais malgré la surchauffe des taux et un accès au crédit plus compliqué pour de nombreux ménages, les prix de l?immobilier ne se sont pas effondrés. Selon le dernier baromètre de Meilleurs Agents, publié début juillet, les six premiers mois de 2023 ont bien vu les prix reculer de 0,4% au niveau national, mais la tendance était de retour à la hausse dès le mois d?avril. Dans les grandes métropoles, le mètre carré s?affiche toujours à un niveau très élevé. Paris, toujours au-dessus des 10.000 euros, Lyon, au-delà des 5.000 euros, Bordeaux passant la barre des 4.500 euros en moyenne… De quoi décourager les primo-accédants. Ou du moins, les faire réfléchir à une autre option.Quitte à ne pas pouvoir s’offrir l’équivalent de l’appartement où l’on vit au quotidien, pourquoi ne pas commencer par acquérir une résidence secondaire? À moins de deux heures de la capitale, dans le Calvados, opter pour cette petite « maison de pêcheurs » de 60 m2 en bord de mer à moins de 200.000 euros, ne serait-il pas un investissement idéal? Mais est-ce une « vraie » bonne idée ? Les conseils de spécialistes du secteur de l?immobilier pour bien peser le pour et le contre.
Un projet à penser sur le long terme
Avant de se lancer, il faut avoir en tête que privilégier l’achat d’une résidence secondaire avant son logement principal peut s’avérer « un calcul dangereux ». Pour Sandrine Allonier, porte-parole du courtier en crédit immobilier VousFinancer, le principal risque est « de grever votre capacité d’emprunt auprès de votre banque si vous souhaitez acheter plus tard votre résidence principale ». Aujourd’hui, assurances incluses, les banques ne prêtent pas au-delà d’une capacité de remboursement située à plus de 35% des revenus. Aussi, si dans quelques années une opportunité se présente pour devenir propriétaire de votre logement principal, le risque est de ne plus pouvoir solliciter un nouveau prêt.
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Président du réseau Laforêt immobilier, Yann Jéhanno met également en garde les primo-accédants tentés par l’achat d’une résidence secondaire avant leur logement principal. « Une résidence secondaire n’est pas à envisager comme un outil financier ou un investissement locatif classique », prévient-il. En cas de revente, en effet, la plus-value éventuellement réalisée est fortement taxée : près de 19% sur l’impôt sur le revenu auxquels s?ajoute le forfait social (CSG-CRDS…)de 17,2%. Pour être totalement exonéré d?impôts, il faut conservé le bien 22 ans avant de le revendre, et même attendre 30 ans pour le forfait social.Pas forcément une bonne affaire donc. D?autant plus que depuis la loi Climat et résilience de 2022, de très nombreux biens, souvent secondaires, ont également subi de fortes décotes. « Si vous achetez une charmante petite passoire thermique au fin fond de la campagne pour y passer vos week-ends, nous seulement vous ne pourrez plus la louer occasionnellement pour arrondir vos revenus, mais en plus vous aurez plus de difficultés pour la revendre », observe Sandrine Allonier.
Un crédit plus difficile à obtenir
Les banques seraient aussi « plus strictes » pour accorder un prêt pour une résidence secondaire si vous êtes encore locataire. Le taux est même généralement plus élevé de 0,10% par rapport à un prêt pour une résidence principale. « Les banques estiment que vous vous fragilisez avec un crédit résidence secondaire puisque vous aurez à payer vos charges en doubles alors que si vous achetez votre résidence principale vous effacerez certaines charges comme votre loyer », explique Sandrine Allonier. De plus, si la taxe d’habitation a été supprimée pour la résidence principale le 1er janvier 2023, elle est maintenue pour les résidences secondaires. Et dans certaines communes, où la pression immobilière comme sur les littoraux bretons ou normands est forte, des maires décident même d’importantes augmentations de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires pour tenter de réguler un peu le marché local.
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Yann Jéhanno remarque aussi « une flambée des taxes foncières » pour les résidences secondaires. « Sauf à en faire une résidence semi-principale, par exemple pour y télétravailler quelques jours par semaine, une telle acquisition peut vite s’avérer un mauvais calcul », dit-il. Un conseil : bien calculer en amont les charges propres à cette résidence secondaire comme les frais de copropriété si, par exemple, il s’agit d’un appartement, d’entretien du jardin s’il y en a un, les factures pour l’électricité, d’eau, ou encore d’internet en double avec sa résidence principale? « Ce travail préparatoire est propre à tout projet immobilier : très en amont, il est important de bien dresser son cahier des charges : que veux-je faire de mon bien, vais-je le louer un peu, quelles sont ses charges inhérentes? », détaille-t-il.
Louer son bien pour rassurer son banquier
Faut-il pour autant abandonner toute idée d’acquisition d’une résidence secondaire avant sa résidence principale ? Non, si l’on a bien pris en compte toutes les contraintes évoquées. Et que notre santé financière le permet réellement. Acquérir une résidence secondaire reste même, pour beaucoup de famille, le rêve principal d’une vie. En France, l’Insee en recense aujourd’hui 3,6 millions. Selon une étude Toluna Harris Interactive pour le réseau Adresse réalisée début avril, « malgré un contexte tendu et marqué par la remontée des taux de crédit », 16% des Français se déclarent toujours prêts à acheter une résidence secondaire dans les 12 prochains mois (en baisse tout de même de 4 points sur un an) contre 26% pour une résidence principale (- 2 points).
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Pour tranquilliser votre banquier, il est encore possible d’envisager d’emblée de louer votre bien une période de l’année ou durant les semaines où vous ne comptez pas l’occuper pour absorber une partie des charges. Sandrine Allonier conseille ainsi « de demander une étude sur les loyers prévisibles auprès d’une agence immobilière locale pour rassurer votre banque au moment de la négociation du crédit ». « Si le secteur de votre résidence secondaire est attractif, vous pouvez en effet rassurer votre banquier avec la possibilité de revenus complémentaires », confirme Yann Jéhanno. Aujourd’hui, certaines agences immobilières disposent même d’un « service de conciergerie » pour gérer le planning des locations. Mais cela implique que vous donniez très en amont les dates où vous souhaitez disposer librement de votre résidence secondaire. Enfin, attention : louer sa résidence secondaire, même ponctuellement, implique un changement d’usage en « meublé de tourisme » à déclarer auprès de votre mairie. Mais aussi auprès des impôts pour les loyers perçus. Gare également à un éventuel passage sous le régime de la Location meublée professionnelle (LMP)qui vous fera perdre les exonérations de plus-values en cas de revente après 22 ans et 30 ans de possession du bien. Elles sont en effet réservées aux particuliers.