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Comment la baisse de l’immobilier va impacter l’IFI
Date limite pour faire sa déclaration d?impôts sur le revenu, ce jeudi est aussi pour les contribuables soumis à l?impôt sur la fortune immobilière (IFI) la date butoir pour déclarer la valeur de leurs biens à l?administration fiscale. Mais avec la nouvelle dynamique du marché de l?immobilier, pas si simple d?estimer son bien. Les prix de l?immobilier sont en chute libre dans toute la France, à cause notamment de la remontée des taux d?emprunt qui grève l?accès au crédit des acheteurs potentiels.
En 2022, 164.000 foyers ont reçu de l?administration fiscale un avis d?impôt sur la fortune immobilière, selon les chiffres de la DGFIP. Au regard de la conjoncture sur le marché immobilier, ceux-ci pourraient être tentés de réviser à la baisse la valeur de leurs biens dans leur déclaration, en tenant compte de l?affaiblissement des prix à la vente de ces derniers mois. Mais ce choix peut se révéler risqué.
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En effet, les contribuables doivent faire leur déclaration sur la base de la valeur du bien immobilier au premier jour de l?année en cours. Or, au 1er janvier 2023, «les prix n?avaient pas encore commencé leur baisse significative», rappelle Stéphanie Hamis, avocate fiscaliste, associée au sein du cabinet Arsene.
En revanche, si les prix continuent de chuter, les propriétaires pourront intégrer cette baisse dans l?estimation de la valeur de leur bien dans leur déclaration de l?année prochaine. Pour certains, qui sont pour l?instant juste au-dessus de la barre du 1,3 million, cela pourrait alors permettre de ne plus payer l?IFI. Pour les autres, une baisse de la valeur est tout de même une bonne nouvelle du point de vue fiscal, car cet impôt est progressif et donc «si la valeur est moindre, on paye moins», résume la fiscaliste.
Mis en place en 2018 par le gouvernement d?Édouard Philippe, l?IFI a remplacé l?impôt de solidarité sur la fortune (ISF) qui visait le patrimoine tant mobilier qu?immobilier. Mais, au cours des années suivantes, alors que les prix des biens immobiliers explosaient, le barème de cet impôt n?a pas évolué. Les factures des ménages assujettis s?en sont ainsi trouvées alourdies. Alors que l?exécutif tablait au départ sur un rendement de 850 millions d?euros par an, cet impôt a rapporté 1,8 milliard d?euros à l?État en 2022, soit 10 % de hausse par rapport à 2021.
À l?inverse, la baisse des prix de l?immobilier risque fort de créer une baisse de recettes pour les caisses de l?État. Bercy admet que «théoriquement, les recettes de cet impôt devraient baisser à l?avenir» et indique «travailler actuellement sur une estimation du montant de cette baisse pour le budget de l?État». Un chiffrage qui devrait être connu avant l?automne.
Attention aux rappels
Malgré cette bonne nouvelle, les propriétaires soumis à l?IFI devront modérer leur enthousiasme et être particulièrement vigilants à bien évaluer la valeur de leur bien. «Aujourd?hui, il y a encore peu de contrôles sur cet impôt», explique l?avocate. «Mais, avec la fin des derniers redressements ISF (supprimé en 2018, NDLR) et le renforcement des équipes de la DGFIP, le nombre des contrôles va certainement fortement augmenter.»
Pour ces contrôles, les agents de Bercy ont en main une arme redoutable: le fichier individuel en ligne de chaque contribuable, sur lequel figurent, en plus des détails de l?impôt sur le revenu, le détail des taxes foncières et l?adresse des biens. En croisant ces informations avec les fiches des déclarations cadastrales, les inspecteurs peuvent trouver les surfaces desdits biens qu?il ne reste plus qu?à multiplier par les prix du mètre carré pour savoir si le contribuable doit s?acquitter de l?IFI.
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De plus, l?interprétation que l?administration fiscale va faire des textes en vigueur reste à déterminer. «Il n?y a pas de jurisprudence sur l?IFI et, dans le code général des impôts, plusieurs articles se prêtent à interprétation», analyse Xavier Rohmer, associé du département fiscal du cabinet August Debouzy. «Il faudra être précis, d?autant plus qu?avec les nouveaux outils en ligne, il sera de plus en plus difficile de s?écarter de la valeur de marché local.»
En plus du prix au mètre carré, l?estimation du bien peut grimper en raison de certaines caractéristiques (jolie vue, bonne exposition, etc.). Ainsi, il convient de se méfier des estimations proposées par certains sites immobiliers, où le propriétaire rentre ses informations personnelles pour obtenir l?évaluation de son bien? Les contrôleurs pourraient faire le rapprochement. D?autant que le gouvernement ayant lancé une offensive de lutte contre la fraude fiscale, les contrôleurs pourraient adopter une attitude sévère. Et réclamer les trois années légales de retard, et même 10 ans en cas de dissimulation avérée, aux contrevenants? avec une pénalité minimale de 20 % à la clé.
Dernier jour pour déclarer ses impôts
Pour les contribuables habitant dans un département numéroté de 01 à 54, il est déjà trop tard. Pour les autres, ce jeudi est le tout dernier jour pour faire sa déclaration d?impôts en ligne. En cas d?erreur, il sera encore possible de faire des modifications au moment de l?ouverture du formulaire de correction sur le site des impôts pendant l?été. Pour mémoire, l?administration admet depuis quelques années un «droit à l?erreur», mais dans le cas d?un dépôt tardif, il faudra pouvoir le justifier. En revanche, «oublier» de déclarer ses impôts est une erreur qui peut coûter cher. Une majoration de 10 % du montant de l?impôt sur le revenu s?applique, même en l?absence de mise en demeure. Si, le contribuable régularise sa situation après réception du rappel de l?administration fiscale, il devra s?acquitter d?une majoration de 30 % dans le cas où il envoie sa déclaration dans les trente jours, et de 40 % s?il dépasse ce délai. Il faut ajouter à cela les intérêts de retard qui s?élèvent à 0,2 % de l?impôt par mois.