La Banque centrale européenne vient d?annoncer une dixième hausse de ses taux directeurs qui atteignent un niveau record. De quoi faire craindre aux emprunteurs immobiliers une nouvelle hausse des taux de crédit. Si tel était le cas, ce serait une énième mauvaise nouvelle pour des ménages qui ont vu les taux de crédit quasi quadruplé en moins de deux ans. Ils avoisinent, voire dépassent, les 4 % (hors assurance et frais) pour des emprunts sur 20 ans et 25 ans. Conséquence : la capacité d?emprunt des ménages désireux d?acheter un logement, a fondu de plus de 60.000 euros, en moyenne, en moins de deux an, selon le courtier Meilleurtaux.
Ainsi, un couple gagnant 4000 ? nets par mois pouvait emprunter 282.000 ? à 1,2 % sur 20 ans, en janvier 2022. Aujourd’hui, avec les mêmes revenus, ce ménage ne peut espérer percevoir « que » 221.000 ?. Un écart qu’il faut compenser avec un apport personnel plus élevé. Mais les ménages qui achètent un logement pour la première fois, jeunes pour la plupart, disposent rarement d’une épargne importante à mobiliser. Les coups de pouce des parents ? donations ou prêts ? sont plus que jamais les bienvenus mais ne sont pas à la portée de tous. Conséquence : beaucoup de ménages, désireux de devenir propriétaires, sont condamnés à rester locataires.
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Qu?en sera-t-il dans les prochains mois ? Les taux vont-ils continuer de grimper ou enfin, commencer à se stabiliser ? D’aucuns, chez les experts, parlent déjà de taux à 5 % d’ici à fin 2023 ou pour le début de l’année 2024. Selon nos informations, une Banque populaire a récemment proposé un taux ? avant négociations ? à 5,05 % sur 25 ans pour les moins bons profils. Du jamais-vu depuis 15 ans ! «Traditionnellement, en septembre, un mois riche en ventes immobilières, les banques baissent leurs taux de crédit pour capter de nouveaux clients, analyse Sandrine Allonier, de Vousfinancer, courtier en crédit immobilier. Cette année, nous constatons que les banques veulent reconstituer leurs marges et ont des objectifs pour 2024 aussi peu élevés que ceux de 2023. Elles ne cherchent pas à conquérir de nouveaux clients et n’ont donc aucun intérêt à baisser leur taux. »
L’argument sur les marges a du plomb dans l’aile car, grâce à la hausse des taux de crédit, la situation des établissements financiers est plus confortable qu’il y a un an et demi. Un prêt immobilier est rentable pour une banque si l’écart entre le taux de crédit sur 20 ans et l’OAT 10 ans (taux auquel l’État français emprunte et sur lequel les banques se basent pour fixer leur taux, NDLR) est d’environ 1 %. Ce qui est le cas actuellement et même au-delà (voir ci-dessous).
De quoi envisager une stabilisation voire une baisse des taux dans les prochains mois ? Rien n’est moins sûr. « Nous avons enregistré de nouvelles hausses de taux sur les crédits immobiliers en ce mois de septembre qui ne seront sans doute pas les dernières même si le pire est sans aucun doute derrière nous », affirme Maël Bernier, de Meilleurtaux. Les banques avancent de nouveaux arguments pour justifier la poursuite du relèvement de leurs taux. D’une part, l’inflation reste encore élevée (4,8 % sur un an, en août) ; d’autre part, le marché immobilier n’est pas favorable. « Dans un marché de baisse des ventes, les banques nous expliquent que la prime de risque est trop élevée. Elles préfèrent donc encore augmenter leur taux pour se couvrir contre ce risque », décrypte Sandrine Allonier. Si l’on en croit les prévisions des experts, la reprise des ventes immobilières n’est pas prévue avant au moins l’automne 2024.
Deux grandes banques rouvrent les vannes
Est-ce à dire qu’il faudra attendre un an avant que les taux cessent de grimper ? A priori, non. Aux dires des courtiers que nous avons interrogés, une bonne nouvelle n’est pas à exclure d’ici à la fin de l’année. « Nous atteindrons sans doute un plafond, sur les taux de crédit, à 4,5 % (hors assurance) d’ici à la fin de l’année », prévoit Maël Bernier. De son côté, Caroline Arnould, directrice générale de Cafpi, s?attend à ce que les taux plafonnent à 5%. « Cette stabilisation va arriver rapidement. En revanche, elle durera longtemps, sans doute pendant un an. Il n’y aura donc pas de baisse des taux de crédit avant fin 2024 », analyse-t-elle.
Les conditions sont désormais plus favorables pour nous permettre d’accorder plus de prêts mais les crédits ne couleront pas à flot pour autant
UN BANQUIER D’UN GRAND ÉTABLISSEMENT FINANCIER
À ce moment, il sera temps pour les ménages qui envisagent d’acheter un logement prochainement, de renégocier leur crédit. Pour rappel, un écart de taux de 1 %, avoir un capital restant dû d’au moins 70.000 ? et être dans le premier tiers de son crédit, sont les éléments nécessaires pour que la renégociation soit rentable. « Si la baisse des prix permet aux ménages d’être à nouveau solvables, les banques ne vont pas surenchérir en augmentant encore les taux », veut croire Cécile Roquelaure, directrice des études du courtier Empruntis.
Cet optimisme est lié au retour de deux banques nationales qui avaient fermé leur robinet pendant plusieurs mois parce qu’elles perdaient de l’argent sur le crédit immobilier. « Les conditions sont désormais plus favorables pour nous permettre d’accorder plus de prêts mais les crédits ne couleront pas à flot pour autant », réagit un banquier d’un grand établissement financier. « Ces deux banques vont continuer à se montrer sélectives et prêter aux profils les plus rentables (plus de 80 000 ? de revenus par an, 15 à 20 % d’apport) », prévient Alexis Godard, président d’Exell Crédit. L’une ne prêtera qu’aux « plus hauts revenus » alors que l’autre a levé les restrictions pour les revenus moins élevés, même si elle restera toujours aussi exigeante sur l’apport personnel notamment.
De quoi redonner un peu le sourire aux emprunteurs qui auront à leur disposition un choix de banques plus large. Leur soulagement sera sans doute plus complet l’an prochain si les bonnes nouvelles annoncées s’accumulent : une inflation sous les 4 %, des salaires en hausse de 4 % et sans doute des prix immobiliers qui continuent de baisser. Ajoutez à cela : un prêt à taux zéro (PTZ), complémentaire au prêt classique pour financer l’achat d’un logement, qui sera élargi à un plus grand nombre d’emprunteurs ? et notamment les classes moyennes ? comme l’a promis le nouveau ministre du Logement, Patrice Vergriete. Un bémol : seuls les appartements seraient éligibles à ce PTZ revisité. Bref, la stabilisation des taux, c’est peut-être pour bientôt, mais les conditions d’octroi de crédit resteront strictes encore un bon moment.
Les emprunteurs ne sont toutefois pas à l’abri d’une bonne surprise. « Une banque régionale m’a dit qu’elle allait réétudier la possibilité de financer des dossiers sans aucun apport », glisse Cécile Roquelaure. Autrement dit, la banque va prendre à sa charge 100 % du coût du crédit. Un fait rarissime qui mérite confirmation dans le futur.