La crise, qui touche actuellement l’immobilier, révèle des situations parfois étonnantes. Par exemple, des ménages pourtant aisés qui n’arrivent pas à emprunter pour acheter un logement ou encore des biens qui subissent des décotes de plusieurs dizaines de milliers d’euros même s’ils ont été refaits à neuf. À cela s’ajoute un phénomène plutôt inhabituel en période de crise : des particuliers qui achètent un nouveau logement avant de vendre le leur. Aux dires des experts immobiliers, cette pratique qui nécessite généralement un crédit-relais, n’est pas la solution idéale lorsqu’un marché se grippe. Surtout si vous achetez un bien plus grand qui alourdit la facture ou que l’environnement de votre logement actuel est moins coté que celui de votre future adresse. «Vous vous créez une situation de stress que vous n’aviez pas forcément à l’origine», souligne Corinne Jolly, présidente de PAP, site de petites annonces immobilières.
Ce stress est lié à trois spécificités du crédit-relais : la durée du prêt est limitée à 1 an renouvelable une fois, le montant de l’emprunt n’est calculé que sur 70% de la valeur du bien à vendre et le taux est souvent supérieur de 0,1% à 0,3% par rapport au taux de crédit immobilier classique. Des Français optent pourtant pour cette solution. «Nous avons constaté une demande forte», confirme Olivier Lendrevie, président de Cafpi, courtier en crédit immobilier. Parmi les particuliers que nous avons interrogés, certains nous expliquent qu’ils ont eu un coup de c?ur pour un logement qu’ils voulaient acheter rapidement. D’autres ne pensaient pas qu’ils auraient autant de mal à vendre leur bien.
C’est le cas de Nicolas qui, malgré une baisse du prix de plus de 12,5% (de 720.000 à 629.000 euros), n’a toujours pas trouvé preneur pour un appartement de 98 m² (disposant de 3 chambres), refait à neuf «récemment», situé près du Canal de L’Ourcq (Paris 19e) et à vendre depuis près de 6 mois. «Je n’ai eu que 5 ou 6 visites, sans offre. Je ne pensais pas que le marché serait aussi morose pour ce type de bien, traversant et au calme», raconte cet universitaire de 59 ans qui a pris un crédit d’un an renouvelable en avril pour acquérir un appartement d’environ 100 m² à Ivry-sur-Seine avec jardin et proche de son lieu de travail. La proximité avec la porte de la Villette, longtemps liée à la présence de toxicomanes, n’est sans doute pas étrangère au désintérêt des acheteurs. «Désormais n’importe quel défaut, qui était mis de côté auparavant car la tension était plus forte sur le marché, justifie l’absence d’offre, décrypte Corinne Jolly. Par ailleurs, pendant des années, les acheteurs, notamment à Paris, avaient la certitude de faire une plus-value au moment de la revente. Cette certitude est en train peu à peu de disparaître.»
Près de Toulouse (31), un couple de seniors a également consenti un gros effort pour accélérer la vente de leur maison de 218 m² acquise il y a 20 ans. Mais, malgré une baisse de 9,5% (de 750.000 à 679.000 euros), leur résidence, mise en vente depuis plus de 4 mois, peine aussi à trouver preneur. Et le prêt-relais qu’ils ont obtenu en janvier pour faire construire une nouvelle maison en bois, dans les Landes (40), commence à peser lourd. «Nous avons longtemps hésité avant de prendre un prêt-relais, raconte Alain, retraité. Mais, voyant que notre projet de nouvelle maison traînait, nous n’avons pas voulu vendre notre résidence actuelle.» Finalement, la demeure landaise verra bien le jour mais la maison toulousaine cherche toujours son nouveau propriétaire. «La hausse des taux de crédit rend les acheteurs plus frileux, souligne Alain. Cette maison c’est notre patrimoine, le travail de toute une vie et il perd de sa valeur.»
Pour Thierry, 37 ans, le temps presse un peu moins et le prêt-relais s’imposait pour concrétiser son projet immobilier. «Nous avons donné priorité à l’achat d’un logement (190 m²) avant de vendre notre appartement (80 m²) car nous souhaitions acquérir rapidement un logement où nos 2 enfants (4 et 2 ans) auront chacun leur chambre et disposant d’un jardin, explique cet habitant béarnais qui a travaillé plus de 8 ans dans les services bancaires. Le prêt-relais était la solution idéale qui nous a permis, grâce à un rachat de crédits, de «fusionner» nos 2 prêts et d’alléger nos mensualités .»
Des prêts-relais pour les pré-retraités
Du côté des banques, déjà frileuses pour des prêts classiques, certaines le sont encore plus vis-à-vis des prêts-relais. Et si le taux d’usure (taux maximal au-delà duquel une banque ne peut pas prêter, NDLR) s’en mêle, la demande aura du mal à passer. Francisco et Patricia, la soixantaine, en ont fait l’expérience. Propriétaires de leur résidence principale depuis 1999, estimée aujourd’hui à 335.000 euros, et libres de crédit, ce couple perçoit 4400 euros par mois de retraite et 600 euros de loyer pour un investissement locatif. Sans compter un patrimoine financier de 160.000 euros. Ils n’ont pas encore vendu leur logement et désirent acheter une nouvelle résidence qui coûte 290.000 euros. Pour ce faire, ce couple de retraités nordistes a besoin d’un prêt-relais sec (sans prêt complémentaire), utile lorsque le prix de votre nouvelle acquisition est inférieur à celui du bien que vous vendez. Malgré leurs atouts, leur demande a d’abord été refusée. Le taux de crédit, pour leur emprunt de 230.000 euros, était supérieur de 2 points au taux d’usure. «La banque a finalement accepté notre demande en baissant fortement le taux du crédit et de l’assurance mais en contrepartie, elle n’assure qu’un seul emprunteur», racontent ces 2 retraités.
Les prêts-relais sont connus pour être des situations stressantes à gérer. Les deux ans passent vite. Sans compter que le délai entre la date de la signature du compromis de vente et celle de l’acte, d’un minimum de 3 mois, peut être allongé de plusieurs mois. Pour éviter ce stress, une règle est indispensable : bien estimer la valeur du logement à vendre. Moins elle sera réaliste, plus la vente traînera, plus l’échéance du crédit-relais se rapprochera. Et la facture sera lourde à supporter, surtout si vous avez un autre crédit en cours. Autre conseil qui vaut pour tout type d’emprunt : faire jouer la concurrence pour espérer décrocher des conditions peut-être moins strictes. «Pour certaines banques, le prêt-relais ne fait pas partie intégrante du calcul du taux d’endettement limité à 35%», affirme Olivier Lendrevie.
Pour les emprunteurs proches de la retraite, il est même possible de souscrire des prêts-relais seniors. Il s’agit notamment de ménages qui ont repéré la maison de leurs rêves au soleil pour accueillir leur famille mais n’ont toujours pas trouvé preneur pour leur résidence actuelle ou encore de couples qui prévoient d’acheter un logement plus petit car n’ayant plus d’enfants à charge. «Les caractéristiques de ces prêts sont identiques aux prêts-relais classiques et sont adaptées aux seniors car la durée de remboursement est courte et donc compatible avec l’âge des emprunteurs», explique Olivier Lendrevie. «Nous avons reçu beaucoup de demandes de prêts relais en fin d’année dernière. Il s’agit de propriétaires qui n’avaient pas encore conscience du retournement du marché et dont la situation devient urgente», confie Corinne Jolly, de PAP.
Mais il semblerait que la donne ait changé. «Désormais, les vendeurs, qui ne sont pas encore engagés, nous demandent plutôt comment éviter de prendre un crédit-relais.» Le mot d’ordre est simple: «vendre avant d’acheter» pour sécuriser son budget et disposer d’un apport confortable et donc d’un dossier solide pour acquérir un nouveau logement. Cette stratégie peut comporter aussi un risque : où loger une fois le bien vendu ? Chez ses parents ou des amis ? Une location temporaire? Où trouver un garde-meubles pas trop cher pour les stocker ? Bref, le crédit-relais peut être une solution si le projet immobilier est bien cadré, mais elle est loin d’être adaptée à tous les profils.