Le sujet a eu son heure de gloire pendant la campagne présidentielle. À droite, de Valérie Pécresse à Éric Zemmour en passant par Marine Le Pen, tous entendaient alléger la fiscalité sur l?héritage.
«On est le pays le plus taxé au monde. J?assume que l?on puisse transmettre son patrimoine à ses enfants, c?est le fruit d?une vie de travail, on doit pouvoir la transmettre», avait justifié la candidate des Républicains. Plus surprenant, le sujet semblait aussi séduire les représentants de la gauche.
Dans son programme, Anne Hidalgo proposait de «faciliter la transmission en abaissant la fiscalité des successions pour 95 % des Français». Yannick Jadot, de son côté, défendait une mesure visant à relever le plafond d?abattement sur les droits de succession pour les parents et pour les grands-parents à 200.000 euros.
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Le candidat élu, Emmanuel Macron, a promis une réforme similaire, quoique moins ambitieuse: l?abattement sur les successions en ligne directe devait être remonté de 100.000 euros à 150.000 euros. Ainsi, en campagne, un consensus transpartisan semblait se dégager sur la nécessité d?alléger la fiscalité sur les transmissions intergénérationnelles de patrimoine.
Une promesse de campagne en lettre morte
Et l?on comprend aisément pourquoi lorsqu?on se penche sur l?état de l?opinion sur le sujet. Près de 73 % des Français jugent que les droits de succession sont trop élevés, selon un sondage OpinionWay publié il y a quelques semaines. Ils seraient même 48 % à estimer qu?il faudrait diminuer «de beaucoup», les droits de succession. Mais, en dépit du soutien populaire, les mesures concernant l?allégement des droits de transmission demeurent bien souvent à l?état de promesse électorale.
Emmanuel Macron a ainsi mis au placard son engagement de candidat et l?a remplacé par la promesse d?un geste fiscal de 2 milliards pour les classes moyennes, dont les contours restent à définir. «Le projet n?est plus une priorité», confirme Mathieu Lefèvre, député de la majorité qui travaille sur les questions de fiscalité.
Dans ce contexte de remontée des taux, un coup de pouce aux donations pourrait avoir un effet cash, bienvenu pour les plus jeunes
MATHIEU LEFÈVRE, DÉPUTÉ RENAISSANCE
Au sein de la macronie, on justifie cet abandon par le fait qu?elle ne concernerait finalement pas grand monde. En effet, contrairement au sentiment exprimé par l?opinion, plus des trois-quarts des successions sont exemptés du paiement de droits de mutation. La justification principale demeure toutefois financière. À Bercy, on estime que le relèvement du plafond d?abattement pour les seules lignes directes aurait coûté près de 3,7 milliards. Un manque à gagner difficile à justifier dans un contexte budgétaire contraint.
Si la promesse de campagne restera probablement lettre morte, l?idée d?un allégement sur les transmissions n?est pas encore tout à fait enterrée par le camp présidentiel. «La réforme des droits de mutation transgénérationnelle dépendra de nos marges de man?uvre budgétaire», explique-t-on à Bercy. Un geste fiscal sur le sujet n?est pas exclu par le gouvernement. Mathieu Lefèvre prône l?idée d?un allégement «sur les donations en ligne indirecte».
La transmission du patrimoine s?opère de plus en plus tard, du fait de l?allongement de l?espérance de vie
UNE NOTE DE FRANCE STRATÉGIE
Le député voudrait inciter les grands-parents, ainsi que les oncles et tantes, à transmettre plus tôt une partie de leur patrimoine aux nouvelles générations en relevant les plafonds d?abattement situés actuellement autour de 30.000 euros pour les grands-parents et de 8000 euros pour les oncles et tantes. «Surtout dans ce contexte de remontée des taux, un coup de pouce aux donations pourrait avoir un effet cash, bienvenu pour les plus jeunes», défend le député de la majorité.
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Transmettre à des héritiers plus jeunes
Depuis près de trente ans, le patrimoine des Français augmente plus vite que leurs revenus, et il est de plus en plus détenu par les générations âgées. Simultanément, «la transmission du patrimoine s?opère de plus en plus tard, du fait de l?allongement de l?espérance de vie, relève une note de France Stratégie. Dans ce contexte, les outils de redistribution que sont l?impôt sur le revenu et la fiscalité des transmissions parviennent mal à réduire l?inégalité entre héritiers et non-héritiers, et à favoriser la transmission du patrimoine à des générations plus jeunes.»
Pour André Masson, professeur d?économie à la Paris School of Economics et directeur de recherche au CNRS, la fiscalité devrait être utilisée comme «un levier pour orienter les comportements et ainsi favoriser les donations précoces».
Économiquement, transmettre le patrimoine à des héritiers plus jeunes est un bon calcul, dans la mesure où ils «consomment plus, investissent plus et valorisent mieux leur patrimoine». Une analyse partagée par les experts du think tank libéral, l?iFrap. Selon une note de la fondation, la réforme «la plus pertinente» consisterait, en effet, à «favoriser la transmission des patrimoines plus tôt dans la vie des générations», sans pour autant alourdir les droits de succession.